D’un scrutin a l’autre, entre 20 et 30 % des electeurs inscrits sur la liste electorale au Quebec ne votent nullement.
Et 1,25 % de ceux qui ont vote a toutes les elections en 2003 ont surpris leur bulletin de vote rejete pour cause de non-conformite avec les regles du systeme electoral.
Lors de certaines elections recentes, des bulletins rejetes comptaient concernant pres de 2 % des voix exprimees. Dans ces cas, les bulletins de vote ont ete annules avec des electeurs, volontairement ou non, d’une facon ou d’une nouvelle: croix multiples, messages de protestation, bulletins blancs, etc. Aux dernieres elections, votre parti tres informel de ceux qui annulent leur vote a ainsi obtenu plus de voix dans les urnes que l’Union des forces progressistes, le Parti vert et tous les tiers partis!
Le syndicaliste Jacques Chartrand, presente voili des decennies comme 1 homme au sens moral et civique exceptionnel, a souvent suggere d’annuler son vote. «Puisque la totalite des candidats veulent une beaucoup, raille-t-il, il convient par gentillesse de donner une chance a chacun en tracant une belle croix a cote du nom de chacun!» Pour cet homme qui vient de celebrer son 90e anniversaire, annuler le vote a forcement ete une maniere directe de protester contre le systeme et la structure politique en place. Notre chansonnier Richard Desjardins critique lui aussi, a ses heures, l’institution electorale, soulignant a le loisir que puisque la population a maintenant le droit de voter, il ne lui demeure plus qu’a obtenir le droit de choisir.
Dans le systeme actuel, des votes annules ne sont nullement comptabilises formellement mais se retrouvent dans la rubrique vague des «bulletins rejetes». Annuler le vote — ou meme ne pas voter, tout juste — constitue pourtant une option politique, meme si notre systeme politique tend a en minimiser la legitimite. «Au Quebec, le Directeur general des elections fournit de l’equipement a toutes les ecoles Afin de apprendre a toutes les jeunes a voter, en collaboration avec le ministere de l’Education», explique Francis Dupuis-Deri, professeur de science politique a l’UQAM. «Tout une systeme politique repose concernant l’enseignement de votre comportement qui considere comme un delicieux citoyen celui qui vote.»
Claque de ne pas voter ou d’annuler le vote constitue-t-il une manifestation evidente de decrochage social?
que rarement, croit l’universitaire: «Ce n’est gui?re certain. Le vote, tel qu’il est exerce, c’est d’abord J’ai manifestation de la conception aristocratique d’une societe: le i?tre capable de reste accapare par une elite, contrairement a ce que laisse entendre l’idee en fonction de laquelle le peuple reste souverain par l’entremise de l’ensemble de ses representants.»
Est-ce donc une faute pour un citoyen de ne pas aller voter ou d’annuler le vote? Pour Vincent Lemieux, professionnel des phenomenes electoraux et professeur emerite a l’Universite Laval, le desengagement envers le monde politique classique est votre phenomene Pluti?t recent qui touche l’ensemble des democraties dites occidentales. «Sauf dans deux ou trois pays, c’est partout qu’on constate desormais des taux de participation a votre baisse, surtout chez des jeunes. Si l’abstention de jeunes de 18 a 24 ans persiste, cela pourrait avoir de lourdes consequences sur le systeme.»
A l’heure ou la publicite de masse est le principal moyen qu’utilisent les partis politiques Afin de rejoindre la population, les individus se sentent plus eloignes que jamais des enjeux electoraux, croit Vincent Lemieux. «Certaines etudes ont montre qu’un contact direct au milieu des candidats encourage la participation. Mais l’eloignement du monde politique avec rapport a la base populaire n’est si»rement gui?re le seul facteur qui explique la depolitisation», s’empresse-t-il d’ajouter.
D’ou vient l’idee qu’il faille absolument voter? Dans l’histoire des pensees politiques, la recherche tout d’un monde meilleur ne semble s’i?tre pas toujours conjuguee avec la participation a un scrutin. Loin de la.
Jean-Jacques Rousseau lui-meme, au Contrat social, affirme que la volonte populaire ne se delegue jamais par le vote. «La souverainete ne va etre representee», dit-il. Rousseau raille tout particulierement les illusions qu’entretient a cet egard le parlementarisme britannique, dont le regime canadien est bien sur issu. Au Contrat social toujours, il ecrit Indeniablement ceci: «Le peuple anglais crois etre libre; il se trompe extri?mement, il ne l’est que durant l’election des membres du parlement; sitot qu’ils sont elus, c’est esclave, i§a ne sera que dalle. En courts moments de sa liberte, l’usage que celui-ci en fera merite bien qu’il Notre perde.»
Dans votre nouvelle propos celebre, le philosophe francais Jean-Paul Sartre soutient quant a lui que les elections ne sont en fera qu’«un piege a cons». Apres s’etre livre a une longue analyse historique du systeme francais, Sartre en arrive a penser, dans ce texte des annees 60, que les bulletins de vote, apres l’addition des suffrages, ne font pas apparaitre l’interet commun du plus large panel mais beaucoup le seul interet de quelques-uns, tout en forcant la majeure partie un moment les individus a trahir leurs interets collectifs. D’ou son sentiment que le refus de voter, sous une forme ou une nouvelle, puisse etre tout a fait legitime, voire pleinement raisonnable.
Dans plusieurs des mouvements de contestation qui animent et secouent toute l’histoire d’la pensee politique, on croit, au meme esprit, que le jeu electoral est tordu a sa base meme et qu’il ne sert, en definitive, qu’a reconduire Afin de un autre mandat des entites deja en place et quasi immuables.
Au Quebec, Afin de nos elections de lundi, le collectif libertaire «Nous on vote nullement!» propose l’abstention d’apres une logique de simple opposition au i?tre capable de de l’Etat. Ce groupe disait hier, par voix de communique, vouloir «defendre la legitimite de l’abstention comme conseil politique viable». Sur son blog, il explique que «l’Etat reste la forme que prend une classe pour asseoir sa propre domination et la faire accepter au nom de “l’interet general”. L’Etat perpetue ainsi la societe divisee en classes sociales antagoniques: ceux qui possedent et ceux qui doivent travailler Afin de subvenir a leurs besoins».
Anais, une jeune preposee aux beneficiaires toute frele, et le ami Olivier, stagiaire en cooperation internationale, ont assis devant un demeure, tout en haut tout d’un petit commerce du quartier livelinks Hochelaga-Maisonneuve, une banderole qui incite des passants a ne point voter. «On n’est pas des anarchistes, explique Olivier. Moi, je milite plutot pour l’environnement.» Quant a elle, Anais s’interesse surtout au sort fera aux malades en psychiatrie. Pour eux, gui?re question de voter: la societe doit changer via d’autres moyens que nos elections, qu’ils considerent correctement tel votre «simple cirque».